mercredi 18 juin 2025

Noyon. Violences conjugales devant les enfants : six mois ferme

Un Noyonnais au lourd passé judiciaire a pris six mois ferme pour une scène de violences conjugales devant des enfants mineurs

Par Guillaume Grasset
Photo d’illustration

Jacques Tassin, 40 ans, comparaît pour des violences conjugales. Ce Noyonnais est poursuivi pour l’avoir saisie par le cou, bousculée, menacée au couteau, devant les enfants âgés de 13 ans, 7 ans et 2 ans. Il est en détention provisoire depuis les faits.

Le 13 mai à 20h10, les gendarmes interviennent pour un différend conjugal en centre-ville de Noyon. Il est question du père qui a un couteau. Au moment où un enfant leur ouvre la porte, les gendarmes entendent des cris. A l’intérieur, la compagne dit qu’il la saisie au cou, qu’il a repoussé la fille qui a tenté d’intervenir, s’est ensuite saisi d’un couteau…. «Il ne s’est rien passé», dit d’emblée Jacques Tassin, devant les gendarmes.

«Je reconnais les violences partiellement, déclare-t-il, un mois après à la barre. Je n’ai pas saisi de couteau, je me souviens pas…» La belle-fille majeure a confirmé les déclarations de sa mère. Il aurait agité un couteau de boucher devant son visage. Elle a reçu une gifle. Ensemble, elles lui ont fait lâcher le couteau. «Il voulait tuer ma mère», a dit l’un des enfants.

«Il n’y a pas eu de violences avec un couteau»

«On s’est poussé, reprend-il à l’audience. Il y a eu des disputes. Mais pas de violences avec un couteau. J’étais déjà prêt à me séparer de madame. La dispute, c’était sur l’éducation des enfants et les devoirs. Elle est trop sévère avec eux. Ce jour-là, je n’ai consommé qu’une bière.»«La belle-fille m’a jeté une pince au visage puis m’a sauté dessus, poursuit-il. J’ai reculé. Je ne suis pas rentré dans les violences. Ce sont de fausses accusations.»

«Que pensez-vous de votre comportement ? demande le tribunal. Si elle et ses enfants disent la même chose, c’est qu’ils mentent tous… Si vous avez perdu la mémoire, doit-on se référer à ce que disent les enfants ?» «Lors de la garde à vue, vous étiez plus affirmatif sur le fait que vous n’aviez pas tenu ce couteau, remarque le procureur. Et l’entaille sur la main de la belle-fille, elle se l’est faite seule ?»

Il a fait dix ans de prison aux Pays-Bas

Le prévenu présente un casier avec six condamnations entre 2002 et 2016, dont deux pour vol avec violences, une autre pour violences sur professionnel de santé. Mais surtout, il a purgé dix ans de prison pour un homicide à Rotterdam. «C’était suite à une bagarre qui a mal tourné, dit-il. Ce n’était pas volontaire… Et il y a eu…» «Un mort», complète le tribunal. «J’ai tourné la page de tout ça…», explique le prévenu. Né à Kinshasa, il a vu son père assassiné quand il avait six ans. «Je n’ai pas de souvenir. Je ne savais pas ce que voulait dire être mort.»

Il explique que «les clash avec madame ont commencé avec les difficultés financières de leur boutique, pour laquelle je n’ai pas eu de financement». Il assure qu’il n’aura plus de contact avec madame, avec qui il était en couple depuis vingt ans. «Je compte reprendre le travail, poursuit-il. Je suis prêt à recevoir des soins psychologiques. Une dispute devant les enfants, ce n’est pas acceptable.»

«Aucune remise en question», déplore la partie civile

Maître Muriel Bellier défend les trois enfants. «J’attendais autre chose de cette audience, regrette-t-elle. Dire “je ne me souviens plus” n’est pas entendable. Les témoins expliquent la même scène de façon circonstanciée. Cette scène d’une extrême violence dépasse la violence conjugale. Pour séparer sa mère de son beau-père, elle est obligée de lui envoyer un outil à la figure. C’est un enfant qui ouvre la porte et demande aux gendarmes d’entrer. Ils entendent encore quelqu’un crier “arrête !”. La scène n’est même pas terminée… Il y a eu une gifle, un étranglement, un couteau brandi et des menaces de mort. Ils ont dit qu’il voulait “étrangler maman”. Et il n’a aucune remise en question. C’est aux adultes de montrer l’exemple. Cette dispute commence par des devoirs et se termine avec un couteau. Ce type d’exemple amène certains enfants dans un mimétisme, comme le montre l’actualité.»

Elle demande 1000€ par enfant pour le préjudice moral.

«Une lame de 30cm»

«Depuis dix ans, il ne faisait pas parler de lui, constate le procureur. Et on se retrouve obligé de sortir l’artillerie lourde pour une scène de violence familiale. La présence d’une lame de 30 centimètres est bien caractérisée.»

Il requiert douze mois de prison dont six mois avec sursis probatoire pendant deux ans, avec maintien en détention. «Cette peine doit être un temps nécessaire d’apaisement avant la reprise de contact avec les enfants.» Il l’assortit de soins psychologiques, de l’obligation de chercher du travail, d’effectuer un stage contre les violences conjugales. De l’interdiction de contact et de se présenter au domicile de la victime, qu’il doit indemniser.

«Il a connu la guerre civile»

Maître Mouna Taoufik plaide pour un sursis probatoire renforcé, adapté à sa situation. «C’est trop douloureux pour lui d’admettre qu’il a pu se comporter de la sorte. La présence de sa famille, à ses côtés, est une raison de sa position à l’audience. Il n’arrivera à parler qu’à un prêtre. Il a connu la guerre civile. A vu son père mourir par arme à feu. La prison, c’était un secret. Maintenant, les enfants savent. Mon client s’énerve quand la mère dit que ses enfants, c’est de la racaille. Il n’avait plus de travail. Il s’occupait de ses enfants. Et il sait que les enfants doivent être protégés de ce genre de scène. En quoi la détention va aider cet homme à se reconstruire ?»

«Je suis prêt à payer tous les dégâts», dit-il, avant d’écoper de douze mois dont six mois avec sursis probatoire, avec maintien en détention. Le tribunal prononce les obligations de soins, de travail, de stage, et les interdictions de contact et de domicile de madame. Interdit de détenir une arme pendant quinze ans, il doit verser 800€ à chacun des trois enfants.

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