lundi 19 mai 2025

Pollution à Moulin-sous-Touvent : des habitants exigent la fermeture de la décharge

La Gurdebeke SA, et son centre d'enfouissement sont sous pression à Moulin-sous-Touvent. Des habitants exigent la fermeture du site après des résultats d'analyse qui confirment des dysfonctionnements.

Par Fabrice Alves-Teixeira
Lors de leur réunion publique, les associations qui militent contre les centre d’enfouissement et de compostage de Moulin-sous-Touvent ont répété leurs inquiétudes et leur colère. Elles sont prêtes à mener des actions de terrain s’il le faut – Photo DR

La Gurdebeke SA a reconnu l’existence d’une pollution au sulfure d’hydrogène (H₂S) générée par son site d’enfouissement de Moulin-sous-Touvent. Pour les habitants de Carlepont, Tracy-le-Val, Tracy-le Mont et même de nouvelles communes cet aveu tardif ne suffit pas. Réunis le 22 avril à plus de 200, associations et riverains exigent la fermeture du site. La menace d’actions de terrain plane.

Dans une salle comble où certains ont dû rester debout, les associations qui bataillent contre le site ont dressé un constat accablant devant élus et habitants. Selon un rapport du laboratoire Europoll, commandé après intervention de la sous-préfecture, «la qualité de l’air est dégradée» et «trois valeurs sont dépassées à 1 000 mètres du site», a révélé le collectif composé de plusieurs associations. Un «plan de maîtrise des émissions d’H₂S doit être engagé», souligne également ce document.

Les associations dénoncent de «nombreuses infractions»

Pour le collectif, ces résultats viennent confirmer des années de nuisances vécues au quotidien. «Nous subissons des nuisances olfactives et sanitaires tout au long de l’année», ont-elles rappelé devant une assemblée attentive. Photographies à l’appui, elles dénoncent encore la persistance «de nombreuses infractions» : casiers laissés à découvert en violation des arrêtés préfectoraux, filets de protection déchirés laissant s’échapper des déchets, sangliers fouillant dans les détritus.

La gestion des lixiviats (eaux polluées issues de la décomposition des déchets, NDLR) suscite aussi de lourdes interrogations. Des débordements constatés par le collectif autour des bassins d’infiltration, associés à l’observation d’équipements improvisés, laissent craindre une contamination possible de la nappe phréatique. «Nous ne pouvons avoir aucune assurance sur la qualité de notre eau potable par rapport aux lixiviats, la même eau qui d’ailleurs est consommée par les enfants dans les écoles», ont prévenu les associations.

Depuis décembre 2024, 816 plaintes ont été déposées auprès de la DREAL des Hauts-de-France, des plaintes visant Gurdebeke SA et Organosol (Organosol pour la plateforme de compostage). Les associations dénoncent l’inaction de l’administration : «À ce jour, sur les 600 plaintes déposées, une réponse a été faite à seulement deux d’entre elles.» Des plaintes en progression depuis la médiatisation de l’affaire : 392 plaintes contre Gurdebeke et 9 à l’encontre d’Organosol rien qu’en mars cette année.

Un «scandale environnemental et sanitaire en devenir»

Face à ce qu’elles qualifient de «scandale environnemental et sanitaire en devenir», les associations réclament la fermeture immédiate du site, le transfert de la gestion des déchets à l’incinérateur de Villers-Saint-Paul, un respect strict des réglementations et un renforcement drastique des analyses de l’eau potable. «Nous revendiquons une transparence totale sur les actions de la DREAL et de la Préfecture avec une communication régulière auprès des citoyens et des associations», ont-elles expliqué.

Les associations ont reçu les soutiens de nombreux élus locaux. La représentante de la sénatrice Sylvie Valente Le Hir, Franck Superbi, président de la communauté de communes des Lisières de l’Oise, ou Jean-Louis Gourdon et Claude Servais, maires de Tracy-le-Mont et Tracy-le-Val, étaient présents. Claude Servais, élu à la communauté de communes des Deux Vallées, un des clients de la déchetterie, a toutefois rappelé les réticences de sa collectivité quant au choix de l’incinération. La représentante de la sénatrice a estimé que «l’exposition subie par les habitants, mais en particulier aussi par les enfants, notamment à l’école, est intolérable». «Vous promettre que cela s’arrêtera demain serait vous mentir, mais nous ferons en sorte que cela s’améliore, il faut convaincre les dernières communes de l’Oise de rejoindre le SMDO (et le site de Villers-Saint-Paul, NDLR)», a pour sa part déclaré Franck Superbi.

Des actions de terrain à venir ?

Pour l’heure, la priorité reste donnée aux voies administratives et judiciaires. Mais si aucune avancée concrète n’intervient, les riverains n’excluent pas des actions de terrain plus musclées. «Tant que l’on pourra faire confiance aux autorités, nous continuerons sur ce chemin», a affirmé Hervé Lefranc, président de l’association Rencontres du Patrimoine, qui a lancé cette bataille avant d’être rejointe par d’autres. Il avertit : «Si rien ne bouge, des actions de terrain seront envisagées.»

Un rapport détaillé de 70 pages a été remis aux autorités et une visite inopinée de la DREAL a eu lieu. Ses conclusions sont attendues dans les prochaines semaines. En attendant, à Tracy-le-Mont, Tracy-le-Val, Carlepont et dans les nouvelles communes qui ont rejoint le collectif, l’inquiétude grandit, et avec elle la détermination des habitants.


Malgré le refus jusqu’ici systématique de la Gurdebeke SA de répondre sur ce sujet, nos colonnes leur restent bien entendu ouvertes.

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