
Sous les rues du Boulonnais, un réseau dense et discret de près de 1 000 kilomètres transporte chaque jour l’eau potable jusqu’aux résidences. Invisible pour les habitants, il est pourtant au centre d’une attention constante. Car, dans ce labyrinthe souterrain, la moindre fuite peut représenter une perte précieuse. Pour les traquer, les agents spécialisés de la communauté d’agglomération du Boulonnais, épaulés par Veolia, déploient un arsenal technologique impressionnant et une organisation rigoureuse.
La détection des fuites repose sur des moyens humains et techniques combinés. Sur le terrain, les chercheurs de fuites arpentent les rues, équipés d’outils de haute précision : prélocalisateurs, hydrosols ou encore caméras acoustiques capables d’entrer dans les canalisations pour repérer les anomalies invisibles à l’œil nu. Chaque matériau, chaque diamètre de canalisation impose ses propres méthodes, rendant chaque intervention unique.
Mais ce travail de terrain est soutenu par un maillage intelligent de capteurs connectés. Les 116 secteurs du réseau sont suivis grâce à des compteurs de sectorisation. À Boulogne-sur-Mer, 150 sondes acoustiques surveillent les écoulements et détectent les sons caractéristiques des fuites. En parallèle, 60 000 compteurs connectés enregistrent quotidiennement les consommations des usagers, permettant une supervision fine et continue.
Toutes ces données sont regroupées et analysées dans des outils numériques de supervision. Lorsqu’un écart est détecté, une alerte est déclenchée, orientant les équipes vers les zones prioritaires. Depuis peu, l’intelligence artificielle a renforcé ce dispositif. En 2024, le projet « Fusion Rendement » a permis de centraliser les données de trois secteurs pour en tirer des analyses en temps quasi réel. Grâce à la comparaison entre les volumes distribués et les volumes réellement consommés, l’IA identifie les zones à risque. Cette première expérimentation, concluante, va s’élargir à 20 secteurs supplémentaires en 2025.
Mais, malgré toute cette technologie, certains cas résistent encore à l’analyse. Zones inaccessibles, canalisations sans point de contact, matériaux peu conducteurs… Pour ces cas particuliers, une méthode étonnante a vu le jour : faire appel au flair animal. Depuis trois ans, Veolia expérimente l’utilisation de chiens dressés pour détecter les fuites. Ces chiens sont formés pour reconnaître l’odeur du chlore, présent dans l’eau potable, même en très faible concentration et à travers le sol.
Leur odorat exceptionnel, avec près de 200 millions de cellules olfactives, leur permet de localiser précisément l’origine d’une fuite, même là où les appareils acoustiques classiques ne peuvent fonctionner. Cette méthode s’est révélée particulièrement efficace et durable : elle ne nécessite que peu de matériel, n’émet pas de CO2 et s’adapte aux situations les plus complexes.
Le bien-être des chiens est au cœur du dispositif. Les séances de recherche sont pensées comme des jeux, avec récompenses et temps de détente. Les chiens bénéficient de transports adaptés, de pauses régulières et ne sont jamais sollicités en cas de conditions météorologiques extrêmes. Toujours accompagnés d’un technicien connaissant bien le réseau, ils interviennent avec précision et efficacité. Cette approche hybride, mêlant haute technologie et intelligence naturelle, ouvre une nouvelle voie dans la gestion durable de l’eau.